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Avec des maquettes d'immeubles de bureaux ou d'usines (simplement démodés ou franchement décrépits) offerts sur présentoirs, Didier Marcel (*1961 à Dijon, France) a commencé d'imposer son point de vue distant et impliqué sur la politique de développement française des années 60-70 et la violence qui en découle. Ces instantanés d'une société en crise offerts comme des projets d'avenir trouvaient leur place dans le mouvement général de relecture des signes de la modernité. Depuis quelques années, cette exploration du territoire a quitté les banlieues et les zones d'activités pour s'aventurer vers les bois et campagnes. Avec un groupe d'éoliennes, une plantation d'arbres floqués aux couleurs mode, ou des empreintes de labours suspendues au mur, l'artiste retrouve certains grands gestes de l'earth art ou de l'arte povera mais le sublime naturel est ici traduit en unités plus ou moins maniables et matériaux synthétiques. Avec les moyens d'un artisanat qualifié, il nous construit un paysage domestiqué, un inconfort de standing, entre image et réalité.

Dans l’histoire de la sculpture, même récente, l’arbre est un sacré paradigme et nul observateur un peu attentif de la scène artistique ne doute de son actualité. Aux arbres solitaires ont succédé les forêts, tandis que Didier Marcel leur préfère une série de colonnes inspirées d’essences rares, tout à la fois uniques et inscrites dans un corpus. Ces fûts chlorotiques et customisés balancent entre hyperréalité (la sensibilité pop) et abstraction (le goût de l’autonomie et du détachement). Le moulage puis le flocage opèrent à la façon d’un révélateur et conduisent à une hypersensibilisation de l’œil. L’illusion vient ensuite quand l’observateur se demande si ce qu’il perçoit est le velouté de l’écorce ou bien une douce image de la rugosité. Ensemble avec les éventuels retournements et les rehauts argentés, ces surfaces engendrent une confusion des règnes végétal, minéral, ou animal. Ces colonnes plantent le décor mais se détachent aussi comme des caractères plus ou moins chargés d’un potentiel expressif.

Les intuitions et les décisions artistiques croisent des logiques de production qui font par exemple adjoindre manchons ou roulettes, et donnent aux formes capricieuses de la nature un aspect fini et un peu chic. C’est, sans ironie, une façon de rejoindre le corps social. Les fûts deviennent ainsi point de ralliement de différents courants et sources: de la forêt enchantée au théâtre de l’absurde, de l’élevage horticole à la production semi-artisanale qui rassemble cols bleus et cols blancs dans une sphère esthétique à l’étanchéité relative. Plutôt qu’à s’approprier un objet ou un fragment de nature, Didier Marcel invente des travaux d’approche et fait apparaître en quelle manière un paysage rejoint l’exposition, comment l’univers domestique et professionnel se constitue en territoire. Certains y trouveront l’occasion d’élargir leur expérience de la quotidienneté aux forêts et aux mythes, tandis que d’autres y reconnaîtront l’inéluctable rétrécissement du paysage. Rareté et raréfaction se répondent au présent. [Patrick Javault]

Diplômé de l’Ecole des beaux-arts de Besançon et étudiant de Daniel Buren à l’Institut national des hautes études en arts plastiques, à Paris, Didier Marcel est présent dans le paysage artistique français depuis près de quinze ans. Lauréat 2008 du XLII Prix International d’Art Contemporain de la Fondation Prince Pierre de Monaco et premier lauréat du Prix Paul Ricard en 1999, Didier Marcel est l’un des artistes les plus respectés de sa génération, comme l’atteste sa nomination au Prix Marcel Duchamp en 2008. Ses œuvres font partie de nombreuses collections françaises et internationales, publiques et privées, dont celles du MAMCO (Genève), du Centre Georges Pompidou, du Fonds National d’Art Contemporain, du Musée d’Israël à Jérusalem, du MUDAM (Luxembourg), du FRAC Bourgogne (Dijon), du CAPC (Bordeaux) et du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.

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Didier Marcel
WHITE AS SNOW