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Cette exposition se propose d’explorer les représentations de l’acteur de cinéma de la fin des années 30 à nos jours, en s’appuyant sur les fonds patrimoniaux confiés à l’État, complétés par des œuvres plus récentes provenant des collections publiques ou privées. 150 photographies proviennent des fonds patrimoniaux, pour la plupart des tirages originaux, de Roger Corbeau, Studio Harcourt, René Jacques, Sam Lévin, Emmanuel Lowenthal, Roger Parry, Raymond Voinquel ; auxquelles s’ajoutent les œuvres récentes de Pierre Alferi, Xavier Boussiron, Douglas Gordon, Michel François, Michel Journiac, Bertrand Lavier, Yasumasa Morimura, Pierre et Gilles, Cindy Sherman, Hiroshi Sugimoto.

De l’acteur au travail sur un plateau de tournage, maquillé, éclairé, cadré, dirigé, à l’élaboration de son mythe, toutes ces images balancent entre vie et rêve, dévoilant souvent un personnage romanesque en quête d’absolu. Le cinéma a produit un phénomène analogue au système solaire : autour des films gravitent, par leur rayonnement et leur renommée, "ce qu’il convient de nommer des étoiles ou des stars" (Edgar Morin). Comment s’élabore ce phénomène de sur-codage de ces êtres dont l’aura excède les limites mêmes de l’œuvre dans laquelle ils s’inscrivent ? Quel est le destin de ces images qui les transforment en icônes ?

Le cinéma invente la star Pour qu’un film se fasse et que les financiers s’engagent à le produire, la présence de vedettes dans la distribution s’impose. Le cinéma invente alors la star et le photographe de plateau participe de cet avènement. Raymond Voinquel, Roger Corbeau, Sam Lévin, Roger Parry ou Emmanuel Lowenthal, actifs entre 1930 et 1970/1980, interviennent à ce titre sur les tournages des films de Marcel Carné, Abel Gance, Jean Renoir, Marcel Pagnol, Jean Grémillon, Orson Welles, Claude Chabrol, etc… Leurs images sont alors produites à des fins essentiellement promotionnelles.

Les photographes de plateau Leurs méthodes diffèrent. Chacun revendique un style propre. Raymond Voinquel perpétue dans ses prises de vue une sensibilité glamour, un mélange de sophistication et de modernité que lui inspirent des images d’Hollywood. Roger Corbeau développe a contrario une esthétique plus dramatique : qu’il s’agisse d’un mélo, d’un polar ou d’un conte allégorique, ses images, restent contrastées et s’attachent à faire apparaître la part obscure de scènes significatives. Sam Lévin, quant à lui, prolonge avec les acteurs des séances de travail en dehors du tournage, dans son propre studio. Optant pour une esthétique épurée, il produit des images révélant un nouvel état d’esprit : celui des années soixante, mêlant insouciance, légèreté et provocation.

Les images de ces photographes manifestent leur autorité sur la photogénie de l’acteur. Ces transformations de la personnalité dont ils jouent par le jeu des lumières se conjuguent à l’art de la métamorphose inhérente à l’acteur. Ce dédoublement de la personnalité participe au processus de mythification de l’acteur, lequel, dans ce va-et-vient d’identités empruntées, s’enrichit par transfusions réciproques et s’étoffe d’une épaisseur psychologique. Catherine Deneuve et Brigitte Bardot sont devenues des stars accomplies, "multidimensionnelles", lorsque de filles gracieuses, elles sont devenues graves et spirituelles, en tournant avec Demy et Bunuel pour l’une, et Vadim et Godard pour l’autre.

Ce n’est pas un hasard si cette idée de dédoublement se matérialise à l’écran par la présence de spectres, fantômes, sosies, jumeaux que les photographies de Lévin, Voinquel, Lowenthal et Corbeau font surgir de miroirs, reflets et ombres projetées. Elle semble aussi s’incarner à travers la figure de Lon Chaney, dont le visage disparaît sous un masque fantastique, ou encore à travers les effigies qu’utilise Hiroshi Sugimoto à des fins de reconstitution.

Le mythe de l’acteur La mythologie, jusqu’aux excès et aux détournements dont l’image de l’acteur est l’objet, se fabrique bien au-delà des films. Les photographies ne servent plus seulement à promouvoir un film ; elles contribuent à la célébrité des acteurs eux-mêmes. Dans les photographies de Voinquel, Lévin ou Corbeau, ou de Pierre et Gilles, la star est magnifiée, envoûtante et rayonnante. Le mythe est pleinement assumé et s’incarne dans une image archétypale. C’est le traitement que réserve le studio Harcourt, considéré comme un passage obligé dans les années 1940 et jusqu’aux années 1960, pour qui veut se nimber d’un voile d’éternité. D’où le succès de la griffe Harcourt qui, par un phénomène d’identification, voit se bousculer de nombreux anonymes voulant se faire portraiturer comme leurs mythiques modèles.

La star est désormais totalement coupée de son image d’écran qui n’est plus qu’une peau de chagrin et joue l’exagération pour "égaler et entretenir la survie éphémère de ce double" qu’elle a produit (Edgar Morin, Les Stars). Elle "bluffe" pour entretenir le mythe, telle Brigitte Bardot qui multiplie les poses et les styles dans le studio de Lévin pour susciter la curiosité, renouveler l’engouement, créer toujours plus de mystère et de désir. Les photographies jouent de cette sur-personnalité et reposent sur des codes et des stéréotypes qui irriguent les démarches artistiques actuelles de Cindy Sherman, ou de Yasumasa Morimura, sur un mode parodique. De cet attrait que peuvent susciter les stars, il peut ne rester que des signes (celui du chignon de Kim Novak/Madeleine dans Vertigo d’Hitchcock repris par Michel François), des attitudes archétypales que l’on rejoue inconsciemment ou des enveloppes vides comme les portraits d’acteurs de Douglas Gordon aux regards mutilés…

Pressetext

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Figures de l´acteur

mit Roger Corbeau, Studio Harcourt , René Jacques, Sam Lévin, Emmanuel Lowenthal, Roger Parry, Raymond Voinquel, Pierre Alferi, Xavier Boussiron, Douglas Gordon, Michel François, Michel Journiac, Bertrand Lavier, Yasumasa Morimura, Pierre et Gilles, Cindy Sherman, Hiroshi Sugimoto