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L'exposition Karen Kilimnik au Consortium, conçue avec l'artiste, présente, après sa rétrospective au Musée d'Art moderne de la ville de Paris et simultanément à la Serpentine Gallery à Londres, l'ensemble de ses travaux consacrés à l'univers de la danse et du ballet.

Comme lors de chacune de ses éditions, la biennale de Venise a décerné cet été ses distinctions dont l'une des plus prestigieuse, le prix du Pavillon, a échu à l'artiste française Annette Messager : récompense méritée qui saluait la qualité d'un projet artistique rondement mené, prenant appui sur l'histoire de Pinocchio et convoquant des techniques sophistiquées de programmation par ordinateur. Pourtant, la grande gagnante de cette biennale de Venise n'était pas officiellement en compétition – elle n'était d'ailleurs pas en compétition du tout puisque son exposition, assise dans un palais éloigné de l'épicentre de la biennale, près du Campo San Margherita, ne faisait même pas partie des manifestations officielles. Mais son nom était sur toutes les lèvres et ceux qui avaient eu la bonne idée de s'aventurer dans ce palais ouvert à tous les vents n'avaient ensuite de cesse de raconter leur voyage dans l'univers fabuleux de Karen Kilimnik. Un univers où l'on croisait pèle-mèle un prince charmant ( Charming Prince , 1998), la maison du diable ( The Devil's House , 1998), le panier du petit Chaperon Rouge, ( Little Red Riding Hood's Basket in the Woods , 2003), quelques nids abandonnés garnis d'œufs, des diadèmes et des coquillages abandonnés par on ne sait quelle marée. Sans oublier quelques danseuses de ballet et pas mal de châteaux Renaissance et propriétés diverses ( Gisele's Cottage at the Bolchoi , 2001) et, à la vérité, tout un panthéon composé de figures historiques, de personnages de légendes ou de stars parmi lesquels il ne manquait que Paris Hilton – on croisait cependant cette dernière comme modèle d'une toile de Karen sur le stand de la galerie new yorkaise « 303 Gallery » à la foire de Bâle quelques jours plus tard. Bâle qui, elle aussi, célébrait Karen Kilimnik sous la forme d'une grande exposition monographique dans l'un des improbables musées de la ville, que l'artiste avait pour l'occasion pavoisé de centaines de rubans multicolores.

Malgré cette excitation internationale qu'on réserve d'ordinaire aux jeunes artistes, Karen Kilimnik est loin d'être une débutante. C'est patiemment qu'elle a imposé une œuvre naturellement inspirée par le Pop Art (quand celui-ci était loin d'être le mouvement qui faisait autorité), qu'elle a perfusé de tous les acquis formels de l'art du XXè siècle, et emporté bien loin de ses sources – si loin qu'il fallut toutes ces années pour que le marché de l'art la rattrape enfin et salue en elle un infatigable inventeur, et un indiscutable précurseur.

Née à Philadelphie en 1955, elle n'a commencé à exposer qu'à la fin des années 80, conservant d'ailleurs un job qui consistait essentiellement à s'occuper d'animaux de compagnie, vouant un amour infini à son chat (appelé Tabitha en hommage à la fille de Ma sorcière bien aimée) , et frappée d'une dévotion sincère pour les séries télévisées, les magazines de mode et les histoires relatives aux têtes couronnées – ses portraits de Lady Diana ou du Prince William devaient, plus tard, en témoigner. Si son iconographie privilégiée rejoint celle du Pop Art, c'est avant tout pat goût personnel : Karen est ainsi. Et c'est avec une réelle franchise que se rencontrent dans ses premières œuvres les pompiers du film Backdraft et Madonna, dont les clips la fascinent ( à cette époque, la Ciccone est encore entourée de croix et de fumée). La gravité et la pérennité de l'Histoire sous ses jours les plus fastes rencontrera dès lors dans son œuvre, jusqu'à aujourd'hui, la frivolité et la fugacité du présent sous l'angle des medias people. Les légendes, les contes, les croyances, tout ce qui est auréolé d'une forme narrative historique de mystère (de Stonehenge à la magie noire,…) voisinera donc avec une forme plus urbaine de récit contemporain : la vie des stars (avec une prédilection pour Kate Moss, dont on comprend rétrospctivement comment elle peut endosser le rôle de petit chaperon rouge contemporain) et leur mise en scène médiatique.

Mais plus que le choix de cette iconographie, c'est sa mise en forme qui fera de K. Kilimnik, au début des années 90, une héroïne provisoire de la scène artistique New-Yorkaise, tandis qu'elle renouvelle le genre inattendu du « Scatter » , une manière héritée de la fin des années soixante d'installer des éléments sur le sol, comme s'ils avaient été déversés sans ménagement ni intention formelle particulière. Dans un contexte artistique dominé par le triomphe récent du marché (qui avait rapidement rebondi sur le crack de 1989) où les œuvres étaient d'ordinaire sagement et précautionneusement présentées comme des biens de consommation de luxe, Karen a imposé un foutoir monumental, jonchant le sol de bricoles en toc, recouvrant les murs de peinture mal étalée et de tout un attirail parfois assez kitch. A l'esthétique très Clean de Jeff Koons et des Neo-Geo, elle opposait un style west coast inspiré de McCarthy ou Pettibon, et racontait inlassablement à travers une production de dessins l'histoire de Jane, son double en quelques sortes, une jeune fille fascinée par la haute couture, les défilés de Karl Lagerfeld, et à qui il arrivait parfois des choses catastrophiques (« Jane chips a Fingernail », 1991). Ses expositions, dès lors, prennent souvent la forme d'installation très scènarisées où la frontière entre les œuvres et leur décor n'est plus nettement lisible, plongeant le spectateur au cœur même de son univers à elle. Cet univers se trouve brossé de manière à la fois sophistiquée et rapide, loin du soin technique apporté au décor de théâtre, avec une prédilection pour le non finito dont, d'ailleurs, on retrouve aujourd'hui encore des signes manifestes dans son exposition vénitienne, qui rassemble plus sagement sa production picturale de ces dernières années.

Car Karen Kilimnik a progressivement fait de la peinture à l'huile sa technique de prédilection, délaissant les grands formats très en vogue pour se concentrer sur des toiles de petit format où la préciosité des sujets rencontre naturellement la dimension domestique à laquelle les contraignent les médias people qui restent sa principale source d'inspiration. Dans le palais vénitien où elle exposait cet été, elle avait pris soin de tapisser les murs de quelques salles d'une tenture chamarrée dont on retrouvait l'écho dans quelques doubles rideaux hâtivement accrochés et brinquebalants, et il était difficile à première vue d'imaginer que ce décor n'avait pas toujours été là. Par les fenêtres laissées ouvertes, on pouvait voir et entendre les oiseaux, dont le pépiement s'ajoutait à la bande-son de cris d'oiseaux diffusée dans toutes les salles, tandis que d'innombrables nids avaient été disposés ca et là, certains contenant des diadèmes et des pierres précieuses comme s'il s'agissait du repère d'une pie. A la grande démonstration trash des débuts, Karen a substitué une forme plus discrète de décor pour laisser la place à ses petits tableaux dont on ne peut que constater combien ils sont servis pas une technique picturale désormais très assurée. Car si les sujets de ses toiles n'ont pas changé, leur facture en effet s'est enrichie d'un réel savoir faire, loin, toujours, des conformismes picturaux en vigueur. Et inlassablement, Karen Kilimnik poursuit son voyage imaginaire (elle-même se déplace peu) au pays des têtes couronné, des héros de la presse people, dans un pays où les châteaux de la Loire et les vieux manoirs anglais servent de décor à la grande saga du temps présent.

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Karen Kilimnik