Mamco Geneva

MAMCO | 10, rue des Vieux-Grenadiers
CH-1205 Geneva

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Lorsqu’en 1974 Denis Castellas exposa pour la première fois son travail, il montra de la peinture : des petits tableaux composés de croix monochromes, une série dont il dit lui-même aujourd’hui qu’elle était traversée par des références à l’art de l’époque. À présent, lorsque, plus de trente ans après cette première exposition, l’on regarde les dernières oeuvres de l’artiste, c’est précisément une absence de rapport direct à l’actualité de l’art – et à l’actualité tout court – qui les constitue.

Car les figures visibles dans les toiles de D. Castellas appartiennent à une œuvre contemporaine pourtant indifférente à l’air du temps. Pour comprendre ce décalage qui nourrit cet art il faut examiner le parcours de l’artiste. Dans le courant des années 1980 et jusqu’à la fin des années 1990, il a utilisé toutes sortes de supports et de matériaux (feuilles, toiles, panneaux en bois, objets récupérés…) pour produire des constructions fragiles, bricolées, des pièces bien souvent fragmentaires marquées du sceau de l’inachèvement voire de la destruction (rouleaux en métal posés au sol, plaques en contreplaqué en partie détruites ou agressées...). Se dégageait de cet univers de formes et de matières l’élégance de l’incertain. La peinture, le dessin, l’objet y tenaient une place essentielle et permettaient à l’artiste d’élaborer des manières de constellations d’œuvres dans un lieu donné. Au fur et à mesure de l’avancée de son travail, D. Castellas a exclusivement consacré son activité à la peinture, la tridimensionnalité des objets qu’il pouvait auparavant utiliser dans l’espace étant alors transposée sur la surface de la toile. Le tableau est ainsi devenu le cadre unique de son œuvre. Comme dans son travail plus ancien, D. Castellas explore dans cette exposition le principe de destruction et d’incertitude qui l’anime. Les figures (enfant au regard décidé qui avance, portrait de Lénine…) et autres motifs (jambes d’un homme et d’une femme, structure métallique qui apparaît, kaléidoscope de formes géométriques…) qui nous sont proposés semblent issus de traces anciennes, ici recouvertes, dont ils sont à la fois les vestiges et la transfiguration. Les éclaboussures de pigment qui sont clairement visibles dans le portrait de femme daté de 2003 (Mme Muir) ou les traces appuyées laissées par les gestes de l’artiste lorsqu’il peint un lustre (Sans titre (Lustre noir), 2002) témoignent du fait que la peinture est un jeu de forces, de biffures, une physique du recouvrement et de l’effacement. C’est que, pour cet amateur de jazz mais aussi de poker qui met l’improvisation et le jeu au centre de sa pratique, le tableau est une surface voire une scène sur laquelle se déroule une mécanique ouverte dont les règles ne sont en rien posées à l’avance : les motifs suivent la loi des associations de formes et d’idées, ils se transforment sans arrêt comme le font bien souvent les souvenirs dans notre mémoire (combien y a t-il de paysages derrière le portrait de Lénine ?). À un moment donné l’artiste fixe cette loi des métamorphoses, il fige la vitesse des destructions positives pour arriver au tableau exposé. Cette façon de procéder explique que D.Castellas se définisse lui-même comme « un vecteur de processus », comme quelqu’un qui se laisse traverser par des métamorphoses, qui les accueille davantage qu’il ne les domine véritablement ou ne les contrôle absolument. Telle est la peinture : une scène qui nous propose une ronde virtuellement interminable de figures en formation, un théâtre pour construire des ruines et dont les motifs et les fonds qu’il produit semblent avoir été saisis une poignée de secondes avant leur probable effondrement, telle cette veste peinte par l’artiste qui n’est là que parce qu’elle attend d’être effacée. Même s’il n’aime pas vraiment que l’on s’exprime de cette manière à son sujet, il faut dire que D. Castellas est un artiste cultivé (sa connaissance de la littérature et de l’art est vaste et il n’est pas surprenant que le titre de son exposition au Mamco, The Trouble with Bubbles, soit emprunté à une nouvelle d’un écrivain, Phillip K. Dick en l’occurrence) sans être un artiste informé (il n’est pas forcément au courant dans le détail des dernières expositions internationales qui occupent les pages de la presse artistique). Ce décalage le constitue. Il lui permet d’élaborer une peinture dont la sérénité semble indiquer qu’elle est certaine, au fond, de ne pas poursuivre abusivement les mirages de l’époque.

Denis Castellas est né en 1951 à Marseille, il vit à Nice. www.deniscastellas.com

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cycle FUTUR ANTERIEUR, sequence d'ete 2009
LE PRINCIPE D'INCERTITUDE
Denis Castellas, The Trouble with Bubbles