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De nos jours, l’économie mondiale du tourisme génère des bénéfices de tout premier ordre dont l’exploitation des Alpes en hiver en fait partie. La spécificité de ce secteur, lié au froid et à la neige, repose sur l’unique passe-temps du sport, mis à part les activités liées à la consommation d’alcool. Les grandes métropoles, avec leurs offres culturelles, doivent à présent rivaliser avec celles qui sont proposées par certaines stations de ski qui commencent à développer une nouvelle offre culturelle, allant du concert classique ou du concert pop au musée d’art moderne et contemporain. Les sportifs amateurs endossent ainsi, en dehors de leurs propres activités, comme passe-temps seulement, le rôle de figurant durant les compétitions des sportifs “professionnels”, à savoir celles de hockey sur glace, de ski de descente, de saut, de ski de fond, etc. Cette proximité entre “sport de masse” et “compétition professionnelle” est probablement la plus étroite dans les sports d’hiver.

Si le sponsor est le parrain riche du soit-disant “temps libre” – nous sommes loin de l’oisiveté rêvée par les révolutionnaires des utopies sociales du XIXème siècle –, le sponsoring ne connaît pas de meilleur lieu d’épanouissement que celui du sport. Les sommes dépensées pour le sport sont bien supérieures à celles qui sont données à la culture. Et comme le tatouage de logo sur la peau des nageurs n’a pas encore gagné le milieu de la natation, les corps des skieurs, les plus habillés avec ceux des pilotes de Formule 1, reste donc une aubaine pour les afficheurs de marchandise, amateurs et “professionnels” confondus.

Depuis des années, Jules Spinatsch (*1964 à Davos) observe cette pollution de logos et de publicité rampante dans les sports d’hiver. L’exploitation commerciale et écologique des Alpes est au centre de ses préoccupations. Son travail photographique met en évidence l’absence de geste ou de fait non intéressé dans le sport, sans arrière-pensée commerciale. Quand le théoricien Jordi Vidal1 parle au sujet du footballeur Zidane filmé par Douglas Gordon et Philippe Pareno2 d’un logo actif, d’un porteur de marchandise, Jules Spinatsch nous montre “le devenir logo des Alpes”, de leurs habitants et de leurs visiteurs. La spectacularisation des compétitions sportives entraîne l’exploitation visuelle de toutes les surfaces possibles. Qu’une pente enneigée soit exploitée par une projection lumineuse pour un son et lumière faisant apparaître des figures aussi aberrantes que celle d’une frégate de Ernest Shackleton3 en plein milieu alpin n’a pas les mêmes conséquences que l’exploitation des pentes enneigées par l’industrie intensive du ski, mais l’un est indissociable de l’autre dans la chaîne commerciale des sports d’hiver. Pour cette véritable industrie du “temps libre”, on fabrique de la neige artificielle à longueur de journée (et de nuit) – et ceci d’autant plus que la moyenne des températures ne cesse d’augmenter – et l’on prépare des dizaines de kilomètres de pistes de ski avec des divisions entières de “PistenBully” et de “Ratrac” ayant comme ultime conséquence la ruine de l’équilibre écologique. Si l’ensemble de sa série intitulée Snow Management souligne ainsi l’exploitation commerciale de ce que les citadins arrivent encore à nommer “nature alpine”, le titre de l’exposition, Eiszeit IV (époque glaciaire), tire clairement l’attention sur une régression, autant civilisatrice que climatique.

L’occupation du paysage alpin par le pouvoir, qu’il soit économique ou politique, est une constante dans le travail de Jules Spinatsch. Rappelons sa déjà célèbre série Temporary Discomfort qui lui avait valu une exposition au MOMA 2006 de New York et le prix du meilleur livre à Arles en 2005. Son étude sur les dispositifs de défense contre les manifestants altermondialistes avait débuté justement à Davos en 2001 à l’occasion du World Economic Forum. [Joerg Bader, directeur du Centre de la photographie, Genève]

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Jules Spinatsch
Eiszeit IV