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Vernissage : vendredi 5 novembre à 18h30

Renée Levi

Au Quartier, Renée Levi articule une suite toiles, peintes à l’atelier, à une intervention picturale développée in situ.

Les 200m2 d’espace d’exposition sont investis selon un protocole de travail précisément déterminé. Supprimant les modifications apportées à l’aménagement des surfaces d’accrochage, elle en retrouve la version initiale, laquelle consiste en des cimaises faites de grandes toiles blanches tendues sur châssis et fixées devant les murs. Les « tableaux », peints à l’atelier, viennent donc s’inscrire dans le « cadre » de ces « toiles » dont les surfaces sont travaillées au rouleau. Il ne s’agit pas là de proposer une nouvelle lecture du lieu mais de prendre en compte tous ses ingrédients, de « faire avec » ses particularités afin que de rendre manifeste l’espace de la peinture. Renée Levi considère ainsi l’architecture comme un matériau secrètement actif. Dans cette optique, la peinture occupe des endroits inhabituels : dans chacune des salles, la présence du plafond est désamorcée par son recouvrement en une couleur grise identique à celle du sol. Quant au « tableau » ses limites et son autonomie sont partout remises en cause par le traitement des surfaces d’accrochage qui les accueillent, elles-mêmes partie prenante de la réalisation picturale.

Tandis que sur les cimaises s’inscrivent en un gris argenté les larges traces laissées par le passage du rouleau, les tableaux sont peints au moyen de sprays aux couleurs métalliques ou fluorescentes. La bombe aérosol intéresse particulièrement Renée Levi car elle diffuse une teinte dont les contours se dissolvent sur la surface. Le motif apparaît et disparaît ainsi dans un vacillement constant. Par le biais de cet instrument, Renée Levi délaisse l’empâtement, la touche, les variations de tons. Réalisé d’une traite, sans possibilités de repentir, le travail suppose une implication physique certaine de la part de son auteur. Une ligne unique parcourt la surface de la toile sans hiérarchisation entre le haut et le bas, le centre et les bords parfois évincés par l’ampleur du geste graphique. Le travail du peintre, ses outils et leur manipulation sont parfaitement lisibles. Ici, nulle manifestation ostentatoire d’un quelconque « métier » du peintre mais un détachement tranquille nuancé d’humour, qui accompagne un geste habilement maîtrisé.

Impossible à appréhender d’un seul regard dans sa totalité, l’oeuvre réalisée au Quartier ne se perçoit qu’en accumulant une multiplicité de points de vue sur la peinture et le bâtiment. En articulant ainsi le tableau au lieu qui l’accueille, Renée Levi propose une expérience de la peinture élargie à l’espace du spectateur.

l’exposition par Dominique Abensour, directrice du Quartier

Renée Levi née en 1960 à Istanbul, vit à Bâle

Architecte de formation, Renée Levi s’est très tôt engagée dans une pratique de la peinture cherchant sa voie hors de la forme traditionnelle du tableau.

Depuis le début des années 90, l’artiste traque les multiples possibilités d’existence de la peinture à travers une grande diversité de supports et de matériaux : cartons ou feuilles de papier colorés agencés dans l’espace, amples volumes monochromes déployés dans l’espace, découpes de papier peint imprimé, rideaux ou vinyles souples et adhésifs épousant la forme du mur. Quels que soient les instruments qui concourent à sa matérialisation, la peinture est selon l’artiste « partout où on la regarde ».

Dans cette expérimentation sans cesse renouvelée du plan coloré libéré du tableau et de la matière picturale, Renée Levi s’est rapidement fait connaître pour ses réalisations dans des espaces publics et privés en Suisse et en Allemagne. Lors de ses interventions in situ, l’artiste travaille à l’échelle de l’architecture, intégrant toutes les données du lieu dans lequel elle oeuvre. Elle intervient à même les murs ou les plafonds avec une économie de moyens radicale. Depuis quelques années, elle a mis au point « un dispositif de ‘peinture au dessin’ » - selon la formule de Christian Bernard (1) - utilisant des bombes aérosol de peinture aux couleurs souvent fluorescentes. En résulte une écriture dense, très gestuelle qui n’est pas sans rappeler le geste du graffiteur dans son corps à corps avec l’espace urbain.

(1) Les échevaux d’Ariane, Christian Bernard, Verlag für moderne Kunst Nürnberg, Museum Folkswang Essen, 2003

Erik Göngrich

Au Quartier, Erik Göngrich a conçu une installation réunissant des oeuvres et des documents relatifs aux projets menés dans différentes villes, en Amérique et en Europe.

L’artiste propose une vision décalée du paysage urbain. Dès l’entrée, une série de Questions (1997-2004) interpelle le visiteur. Elle soulève les multiples dimensions qui composent le rapport de chacun à la ville : la manière dont on y vit, mais aussi les rêves et les souvenirs qui y sont liés. De quelle couleur aimeriez-vous peindre votre ville demande-t-il aux habitants d’Istanbul (2001-2004). Dans cet ensemble de dessins projetés sur le mur, la ville apparaît dans une épure proche de la vision abstraite de l’architecte : privée de ses couleurs, de la densité de ses matériaux, des images qui habitent l’espace urbain. Pour remettre en jeu l’environnement établit par les « spécialistes » de la ville, Erik Göngrich a quelques Solutions pour 5 minutes (2003-2004) : cette série de dessin sur papier dresse une cartographie imaginaire où les bâtiments et le mobilier urbain, sortis de leur contexte et de leurs dimensions respectives, cultivent l’ambiguïté dans leur forme et leur fonction.

Au fil de ses voyages, Erik Göngrich a constitué une collection de photographies de ces architectures et situations urbaines qu’il considère comme des « objets trouvés ». Pris isolément, un immeuble moderniste, un banc ou un bac à fleur peuvent être considérés comme des sculptures. Qu’est-il réellement nécessaire d’ajouter à la réalité (1998). Le questionnement d’Erik Göngrich concerne autant le domaine urbain que celui de l’art. Tant de formes sont déjà présentes dans le monde. On peut le constater en visionnant la projection en valise de certains clichés pris en Europe. De multiples situations urbaines se prêtent au jeu du détournement, d’une appropriation provisoire. Projetées sur un double écran, les images de Assis à l’étranger – Mexico, Bogota, Buenos Aires, 2001 – en témoignent.

La deuxième salle est consacrée au projet que l’artiste a mené à Los Angeles en 2004. Dans cette ville de tous les possibles où le gigantisme est de mise, l’artiste met en avant les désirs des individus. Il sollicite les habitants en leur posant trois questions: Quel endroit aimez-vous le plus Quel est l’endroit que vous détestez Pourriez-vous imaginer un endroit idéal

Les réponses aux deux premières questions ont donné lieu à deux plans contradictoires de Los Angeles offerts au choix des visiteurs de l’exposition. Les réponses à la troisième question ont fourni la matière de nombreux dessins dont certains, reproduits sur des casquettes, rendent compte des visons utopiques des citadins.

Des volumes réalisés en bois et carton permettent au visiteur de s’asseoir. Ces formes hésitent entre le mobilier, la maquette d’architecture ou la sculpture. On retrouve ce flottement constant entre les catégories formelles dans la suite photographique de certains bâtiments réalisée à Los Angeles. Erik Göngrich est fasciné par les constructions individuelles qui se multiplient dans cette ville. Elles lui apparaissent comme les manifestations exemplaires d’une prise de liberté face aux normes de l’architecture. Les habitants de Los Angeles seraient-ils Affamés d’une architecture gênante comme le suggère le titre de ce projet

À leur échelle, chacune de ces initiatives modifie l’espace urbain. Au-delà des facteurs géographiques et économiques, la ville peut également prendre forme dans le regard que l’on porte sur elle.

Erik Göngrich né en 1966 à Kirchheimbolanden, vit à Berlin

Depuis plusieurs années, Erik Göngrich explore les grandes métropoles du monde : Berlin, Istanbul, Los Angeles, Mexico pour en saisir le fonctionnement. Travaillant par projets menés sur plusieurs mois, il développe une connaissance très précise de la ville qui relève à la fois d’une approche théorique (politique, économique, sociale) et d’une véritable expérience de terrain. Proche de l’enquête, sa méthode de travail se situe d’avantage à l’échelle de l’usager qu’à celle de l’urbaniste. Lors de ses résidences dans les villes, Erik Göngrich sillonne ainsi les rues à pied ou à vélo, attentif à des formes et à des situations significatives qu’il relève au moyen du dessin ou de la photographie. Ses investigations se poursuivent par des discussions avec les habitants sur leur manière de voir la ville dans laquelle ils vivent : comment l’utilisent-ils Comment la voudraient-ils

Les résultats de ces enquêtes circulent ensuite par le biais de l’édition de livres ou au sein du dispositif de l’exposition où Erik Göngrich met en scène les éléments recueillis. L’ensemble dessine des villes inédites et forme un véritable inventaire des relations des individus vis-à-vis de leur environnement.

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Renée Levi et Erik Göngrich
Kurator: Dominique Abensour