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Vernissage le vendredi 29 septembre 2006 à 19h

Here or Elsewhere (Ici ou ailleurs) est le titre proposé par Roman Ondák pour l’invitation au vernissage de l’exposition personnelle qu’il développe pendant un an au Centre d’art contemporain de Brétigny, il remplace le titre de travail (One Year Solo Show 2005-2006). Mais le vernissage du 29 septembre prochain ne constitue pas le point de départ de ce projet ni son point d’arrivé. L’œuvre Is that the way it was? (Est ce que c’était vraiment comme ça?) a ouvert le projet monographique de l’artiste au centre d’art, sans protocole particulier en novembre 2005 pendant « The Void », l’exposition en cours des architectes R&Sie(n) François Roche, Stéphanie Lavaux et Jean Navarro. Cette œuvre de Roman Ondák recycle l’architectonique du lieu pour ouvrir un autre point de vue sur l’espace et transformer notre perception des différentes temporalités passées et présente. Elle nous laisse dans l’incertitude de savoir si elle fait appel à notre mémoire ou à celle de l’auteur, à nos repères dans l’espace ou à ceux de l’artiste. Présentée en 1998 à Prague et re-créée au CAC Brétigny par Roman Ondák, cette installation constitue l’introduction à son projet d’exposition d’une durée et d’un format non conventionnels. Elle est suivie par une deuxième intervention en janvier 2006, Awaiting Enacted (Attente décrétée) présentée pendant l’exposition, le casting et le tournage du film de Clemens Von Wedemeyer et Maya Schweizer au CAC Brétigny. Cette nouvelle pièce est une pile de journaux produite en 2003 à la Galerie für Zeitgenössische Kunst de Leipzig et dont les illustrations ont toutes été remplacées par des photographies de presse représentants des personnes formant des files d’attente. Placés dans « l’Annexe », un espace d’information conçu par l’Atelier Van Lieshout pour le centre d’art, ces journaux sont laissés gratuitement à la disposition du public comme pour isoler l’attente ressentie par le visiteur devant une œuvre, décupler son désir de la comprendre et provoquer sa frustration de ne pouvoir la saisir complètement. Roman Ondák met en crise le processus de l’œuvre qu’il estime soumis au principe de la marchandise. Il présente la file d’attente comme un fait divers, lié à la pénurie autant qu’à la profusion de la marchandise, situé à l’Est aussi bien qu’à l’Ouest. Il rend apparent un langage économique autoritaire qui prescrit et interdit. Avec Awaiting Enacted Roman Ondák court-circuite l’équilibre entre l’offre, la demande et la satisfaction du produit, la file d’attente est le lieu où son œuvre fait événement. Interview, la troisième intervention du projet de l’artiste, apparaît courant mars sur l’un des murs du CAC, au moment de la projection publique du film des artistes berlinois, « Rien du tout ». Interview est une discussion réalisée en anglais que l’artiste réactualise avec les représentants des lieux d’expositions qui l’invitent. À la lecture de sa transcription elle devient impersonnelle, on s’aperçoit qu’elle n’est que la reproduction d’une leçon type d’anglais. Ici, la communication avec l’autre est réduite à une langue abstraite et fonctionnelle dont la subjectivité est faussée. Roman Ondák inverse le principe conceptuel de la « Conversation Piece » de Ian Wilson. L’artiste conceptuel préserve le contenu de la discussion en réduisant sa trace au seul énoncé de la date à laquelle la conversation a eu lieu. Interview de Roman Ondák traduit la rencontre entre l’artiste et le représentant de l’institution par un dialogue écrit à l’avance. Le 9 avril 2006, le vernissage de l’exposition de Markus Schinwald au CAC Brétigny est le cadre choisi par Roman Ondák pour l’intrusion de Resistance, une performance réactivée à Brétigny après sa présentation au Mumok de Vienne quelques jours plus tôt. Resistance est réalisée par une partie du public local contactée au préalable et venue lacets défaits à l’exposition de Markus Schinwald. Dans ce cas l’artiste agit sur le rituel d’un vernissage, il fait naître une parole au cœur du public et rend sa paternité indéterminée. Il introduit un signe de résistance à l’ordre et au langage qui se manifeste par un acte silencieux qui semble venir de l’enfance, d’un stade pré-langagier. L’œuvre It Will All Turnout Right in the End (Tout rentrera dans l’ordre à la fin) coproduite par la Tate Modern et le CAC Brétigny est présentée à Londres en juillet pour ensuite l’être en septembre à Brétigny. C’est une stricte reproduction en trois dimensions du Turbine Hall de la Tate Modern dans laquelle le visiteur est invité à entrer. Cette maquette monumentale bouscule la hiérarchie des repères dans l’espace, elle suscite un sentiment qui oscille en permanence entre l’impression d’être un enfant et celle d’être un géant, de dominer et d’être dominé. C’est en agissant sur l’échelle, sur l’agrandissement et la réduction des espaces comme des périodes historiques que les institutions imposent leur point de vue spatio-temporel. C’est avec les mêmes moyens que l’artiste les démasque. Comme le titre Here or Elsewhere vient le souligner, l’œuvre et l’exposition chez Roman Ondák proposent d’autres critères d’appréciation, de la mémoire, de la parole, de l’institution et du langage. En somme chez lui, œuvre et exposition provoquent l’expérience d’un dérèglement des catégories de la création et de la perception du travail artistique. It Will All Turnout Right in the End est la nouvelle pièce s’ajoutant aux corpus des œuvres déjà présentes au CAC Brétigny, mais rien ne nous dit qu’elle sera la seule à s’y ajouter ni qu’elle sera la dernière…

Sans obéir à un protocole obligé, mais en privilégiant l’expérience partagée avec l’artiste sur le site, le choix du processus d’exposition de ces œuvres a développé, avant de l’avoir communiquée par un carton d’invitation officiel, une forme d’exposition disséminée sur un an. Le principe d’apparition des pièces qui constituent ce projet monographique a été défini par l’artiste et le centre d’art au fur et à mesure en s’ajoutant, se superposant ou en alternant avec les œuvres et les expositions des autres artistes prévues dans la programmation du lieu - incluant par la même ces artistes dans la gestion des pièces de Roman Ondák pendant leurs propres expositions. Les modalités de présentation de ce projet monographique sont issues des discussions élaborées avec l’artiste sur la gestion qu’il a des temporalités passées, présentes et futures propres à l’expérience, sur l’usage du déplacement dans son processus de création et l’emploi des intermédiaires dans la diffusion de son travail.

Dans une société soumise au diktat du produit culturel, Here or Elsewhere de Roman Ondák permet au public de participer au rythme et au processus d’une recherche artistique. Si la globalisation uniformise et rend disponible - ici comme ailleurs - toutes les marchandises, l’œuvre elle ne se donne jamais en totalité; elle est ici et ailleurs, l’exposition chez Roman Ondák s’offre - ici ou ailleurs - comme une alternative à la standardisation de la création.

Pierre Bal-Blanc

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