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PEINDRE LA PEINTURE

Peindre un nombre après l’autre, ce n’est pas décompter le temps en une série d’unités qui reproduiraient les conventions d’un comput, quel qu’il soit, horaire ou calendaire : les nombres ne se succèdent pas ici comme les instants dont la sommation constituerait ce que l’on appelle "le temps". À cette conception classique sans doute faut-il opposer, comme le fait Opalka, celle qui, à la suite de Bergson, pense le temps dans sa durée vécue, flux où l’existence ne cesse de se retotaliser. D’où la possibilité non seulement d’assigner à l’œuvre d’Opalka des enjeux métaphysiques (comme il ne manque pas de le faire lui-même), mais même de la tirer vers un certain mysticisme contemplatif : en chaque nombre que le peintre s’applique à peindre se rejoue la totalité du projet qui donne sens à sa vie – d’autant qu’il est arbitraire, absurde, fou – et qui nous éclaire en retour sur celui que nous pouvons donner à la nôtre. C’est que ce projet d’œuvre, bien plus qu’un projet artistique, est un projet de vie ; c’est que ce concept s’éprouve et s’endure comme une expérience ; c’est que cette forme artistique est aussi, immédiatement et du même coup, "forme de vie", in-formation de l’existence par l’idée où elle se pro-jette. Ainsi doit s’entendre la formule, souvent employée par Opalka : "Je peins la peinture". [...] Voir un Opalka, ce n’est pas se délecter de ces vagues mourantes de nombres, de ces rouleaux d’écume blanche déferlant sur des fonds s’apâlissant, c’est être transi par le concept qui surplombe chaque particule de peinture, c’est entendre la rumeur du comptage, c’est superposer à ces toiles qui tendent vers le blanc et que vectorise l’infini ces autoportraits frontaux en noir et blanc, dans lesquels nous voyons l’âge inscrire ses stigmates sur le visage et où le blanchissement des cheveux a fini par rejoindre la blancheur de la chemise.

Bernard Vouilloux

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Roman Opalka